Concours de poésie « Matiah Eckhard» 2022

 

Mentions spéciales « Université »

 

 

Gonflés d’amour  

 

Pourquoi pas l'air, souffle vie  

Qui trace la lumière du soleil 

Dans sa quintessence  

Lumière qui tue des mots

Ceux qui lapident des vies  

Pourquoi pas le silence cuivré 

Qui tombe en murmure du vent 

Et empêche un homme de tomber  

Du haut de la falaise 

Pourquoi pas une lyre de nos combats

D’ensemble  

Qui fend les pierres 

Une par une 

Remplace le ciel constipé de tant de déchets

Et de déchirures   

Désamorce les routes remplies de serpents 

Celles aux lèvres sèches 

Pour des moments aux gestes bleus 

Des gens qui n'ont plus de frontières 

Si encore nous cohabitons gonflés d’amour 

Avec nos verres levés à l’instant  

Nous ferons des enfants aux étoiles

Pour le monde   

Ouvrirons des portes et des bras 

Sur des rides qui meurent

Des rires d’or qui vont à l'horizon

Et des arbres qui nous aiment 

Nous danserons sur des espoirs 

Accrochés à l'innocence des enfants

Et à l'histoire de la lumière

 

 

MOGUSHO Grady, 

20 ans, ISP Gombe, Kinshasa (RDC)

 

 


 

 

Mots manqués

 

Je te les dois, tu me les dois : des mots.

Ces mots manqués qui de moi à toi font défaut.

Ces mots qu’on peine à se les avouer en face

Et qui dans nos cœurs gagnent d’espace.

 

Pourquoi éprouverai-je leur besoin

Si de tels mots n’existent point ?

Dans quel monde situerais-je leur présence

Si ce n’est qu’au fond de ma conscience ?

 

Ces mots, bien que présents dans ton cœur

Tu m’en prives sans le vouloir leur chaleur.

Attendant peut-être de moi le premier pas

Tu feins de te faire croire qu’ils n’existent pas.

 

Comme toi j’éprouve immense plaisir

Chaque fois qu’on me rend un franc sourire.

Comme toi je me sens estimé et écouté

Chaque fois qu’on me dit du cœur la vérité.

 

Comme toi ma joie atteint son zénith

Lorsqu’on croit en mes rêves sans limite.

Comme toi je retrouve ma pleine énergie

Près de quelqu’un que mes intérêts privilégient.

 

 

Prête-moi ces mots d’espérance

Que de toi j’attends avec patience.

Prête-moi ces mots de joie, de paix

Qui allégeront du jour mes faix.

 

A bas ces barrières, “Mur de Berlin’’

Qui entre nous montent sans fin.

La vie a horreur de tant de méfiance

Tant de qui-vive, tant d’indifférence !

 

A force de taire ces mots de réconfort

A force de préférer nos lieux de confort

Nous sommes arrivés à installer sans remords,

Une culture sans vie, une culture de mort.

 

 

SEHOUE Sourou Jean Baptiste 

21 ans, Grand Séminaire Philosophat Saint Paul de Djimè (Bénin)

 


 

La tristesse est prospère

 

Triste très basse,

moins que le moins.

Mon corps dans un parc.

Une dernière fois je traîne 

mes jambes et mes bras.

Tout est déjà passé.

Toute ma lenteur le dit.

Je décide de porter 

mon visage vers les fleurs.

Je m’avance très près

et j’entre les mains jointes.

Déjà mon front s'incline, 

et dans les fleurs ma tête —

tourne, tombe, se perd.

 

Fermement immobile, 

je laisse les fleurs me prendre.

Je dis merci, merci.

Mon visage,

c'est fini.

 

Je donne ma forme et ma figure.

Je donne ma farine.

Comme mon visage est vague.

Comme mon visage est peu.

 

La tristesse s’étire,

décontractée elle s’ouvre, 

défait ses cheveux blancs 

sur mon visage elle est

chez elle et elle le dit.

 

Les fleurs lavent, les fleurs lissent 

le visage des gens tristes.

Elles lavent les yeux, lavent les joues,

lavent le front, lavent la bouche.

 

Mon visage est une rivière.

Je me baigne dedans.

 

 

ARROUASSE Lola

25 ans, Paris

 

 

 


 

Musique éolienne

 

 

JE salue le vent,

Le vent fait du bruit ;

C’est de la musique éolienne.

Les eaux chantent et les vallées oient.

 

JE loue les collines et les montagnes ;

J’ai goûté à vos larmes,

Mes larmes ont cessé de couler ;

Je m’abreuve à profusion. 

Je chante votre honneur.

 

JE salue le vent ;

Quand deux êtres s’attablent

La musique s’invite et se joue.

Depuis la forêt

Les branches dansent et s’embrassent,

Le tourbillon pédale au rythme du vent.

 

Au son des tam-tam et flûte

Le paysan fendit la terre en dansant.

Ô vent mélodieux ! 

JE te salue !

 

Le vent fait du bruit

Et m’exorcise des ennuis du temps

Temps lassant et accablant.

Quand l’horloge égrène les heures,

L’aiguille danse au son funèbre du temps qui meurt.

Le temps s’enfuit à pas de géant chantant, dansant, mourant

Ô temps lassant !

Je m’ennuie de l’éternité monotone des minutes,

A minuit,

J’écouterai la symphonie des voix de la nature

Je chanterai la rhapsodie de Soundjata

Je psalmodierai les berceuses de ma mère

Je composerai un requiem à la mémoire de mes ancêtres

Ô vent mélodieux !

Quand je ne serai plus de ce monde

Je continuerai de louer ta magnanimité dans l’au-delà.

 

 

DAO Dô dit Drissa

24 ans, Ouagadougou, Burkina Faso

 

 


 

 

Le chant du poème

 

capitaliste, je ne suis pas

d'ailleurs je viens de l'arrière-pays

mon capital, je l'ai investi 

dans l'humain, dans l'amour

l'amour des grands chemins

celui qui tend la main 

à ceux dont les yeux crient au secours

je suis pleurs du ciel tonnant sur toit de tôles

flopée de mots rougeoyants

parce que venant tout droit du volcan de l'intérieur

je suis fleuve blessé

fleur brûlée dans la bouche du fusil

maelström de mots, geyser humain.

ceux qui sèment le chaos

veulent l'ériger en entité lumineuse

alors que la nuit, lentement,

envahit le jour

alors que nos rêves migrent 

vers d'autres horizons, vers d'autres points

pour se frotter la mémoire

pour se réchauffer la poitrine

seront-ils bien accueillis ?

trouveront-ils asile sur les ailes d'un oiseau ?

nous embrasseront-ils le cœur à nouveau ?

comme ces cris mûrs qu'on jette aux vagues

et qui nous reviennent

mouillés

pleins d'algues

et de sels.

ciel sous les pieds, je marche

la sacoche remplie d'aurores

que je distribue à chaque jour triste

à chaque jour désolé

témoin de sommeil verrouillé

un océan a pris chair en moi

et désormais, il me faut une pirogue

pour mes voyages intérieurs

je ne trimballe pas batterie de bagages

pas assez de matériaux

pour combler le fleuve géant du temps

pour balancer dans le vide

si mon quotidien fait naufrage

j'ai à peine

une rivière de cailloux dans les veines

un essuie-glace pour le cœur

quelques heurts et manquements

déchirures insolentes de la parole

le tout amassé comme un tas d'orages

qui fait autorité par sa seule voix 

mais j'ai bien autre chose :

un poème qui a fleuri dans mon âme

malgré manque d'oxygène

malgré opacité

malgré sécheresse

je l'abrite sur la langue

au risque d'asphyxie

je le porte de bouche à bouche

quand il déploie sa gorge

chaque pétale du poème

en appelle au chant des collines

qui gravit lentement la pente de mon être

lorsque l'horizon se couche sur ma poitrine.

 

 

 

LAUVINCE Witensky

25 ans, Léogâne, Haïti

 

 


 

 

Le chant qui illumine la nuit 

 

(‘’Il faut rallumer le feu de la Vie  par la musique et l’amour’’ (Matiah Eckhard )

 

J’aime mon enfance qui meurt de soif

J’aime ces instants où les fleurs roses dialoguent avec l’éternité 

J’aime les mots qui inventent la terre 

À l’orée de mon enfance qui meurt, je viens ouvrir les liens d’amitié qui brûlent entre le ciel et la terre 

Je viens offrir un baiser d’ange à l’humanité en crise d’amour 

J’aime mon enfance qui meurt de soif 

J’aime ces instants où les fleurs roses dialoguent avec l’éternité

J’aime les mots qui inventent la terre

À l’orée de mon enfance qui meurt, je serais mémoire

Je serais la mer 

Je serais poète qui lave l’humanité de ses blessures 

Je serais lumière qui illumine les ténèbres 

Au bout de ma terre à recréer,

Il y aura mille poèmes à étaler sur le dos de l’Ukraine 

Il y aura voix des femmes qui construisent une greffe de mémoire depuis Kiev 

Depuis Marioupol 

Il y aura  mots qui nourrissent la bouche du soleil …

Il y aura rêves tièdes à boire ensemble

Il y aura Ukraine à laver  

Ukraine à aimer 

Ukraine à tenir debout 

Car au-delà du temps qui gémit   

J’aime mon enfance qui meurt de soif 

J’aime ces instants où les fleurs roses dialoguent avec l’éternité 

Et je ne condamne pas qu’on me le dise 

Que l’enfance est la partie la plus sacrée pour créer les étangs d’espérance 

Que l’enfance est la partie la plus importante pour initier l’homme à cultiver l’amour…

Au bout de ma terre à récréer, il me faut partir 

Partir à l’accouplement de mon enfance 

Partir à l’accouplement des astres et des comètes 

J’aime mon enfance qui meurt de soif

J’aime ces instants où les fleurs roses dialoguent avec l’éternité 

J’aime les mots qui inventent la terre 

J’irai… 

J’irai mûrir les étoiles, l’amour, l’amitié.

 

MOUANDA MOUSSOKI Tristell

25 ans, Faculté des lettres, arts et sciences humaines, Brazzaville, Congo

 

 


 

 

Le cri de larmes

 

Au milieu de la nuit

Mon âme luit

Face aux bourreaux de ce monde

Je suis accablé par le silence immonde

Étranger sur la terre des hommes

Je me bats pour l’Égalité entre les Hommes

Du creux de mes oreilles

J’entends des cris sans pareil

Dans cette vie injuste 

Que peut faire le juste ?

Ce monde

Mon environnement

Où 

Les enfants sont sous-éduqués

Les vieillards sont congédiés de notre réalité

Et les femmes sont violées

Mes yeux sont secs de larmes à en entendre parler

J’ai envie d’appuyer sur le violon du changement

En vain

Où est passée la promesse qui nous est faite ?

La promesse d’une société parfaite

Le droit

La liberté

La démocratie !

Ne sont qu’un leurre

Loin de mon heure

Et chassés de mon ère

Par les pairs

Qui sont aujourd’hui aux manettes de notre nation

Je me suis malgré tout laissé emporter par cette tentation

J’ai tressailli de joie 

À l’annonce du règne de la loi

Dans notre pays

Un rêve qui a malheureusement dépéri

Par l’appétit des gouvernants de notre cité

Cette situation m’a révolté

Elle m’a enragé

Le mieux que j’ai trouvé

C’est crier ma douleur sous la plume

Accoucher mon malheur par les lettres

Avec à mes côtés 

Beaucoup d’instruments sonores

Mon tam-tam annonce l’orage de la révolution

Mon tambour bat la révolte de la population

Ma cymbale crie haut ma liberté

Ma kora pulvérise le monde de ses sages paroles

Mon balafon célèbre le déchainement d’un monde paradoxal

Je rougis de ce qu’un enfant prenne son thé sans sucre ni galettes

Et qu’entre-temps un chien se délecte du café au lait bien aromatisé

C’est l’injustice qui a poussé nos ancêtres à se révolter

Aujourd’hui

Nous en faisons la promotion

Est-ce imaginable

Qu’en ce siècle de développement

Les enfants manquent encore de nourriture ?

Qu’ils n’aient pas accès à l’éducation ?

Que nos filles soient reléguées au bas de la société ?

Les uns mangent à en vomir

Les autres s’étiolent sous l’effet de la faim

La nourriture est présente

Là où il n’existe pas d’appétit

L’eau coule

Là où il n’y a pas de soif

Je languis

Pour tout ce que ma langue ne peut tout dire

Je trébuche sur les mots

Ils sont incapables d’exprimer mes maux

Je vomis mon mal être

Et dénonce tout haut les traitres

J’ajoute mes gouttes de larmes 

À celles du reste des marmots

Pour nettoyer notre monde

De ses saletés

Redonner à notre génération

Un peu d’humanité

Couvrir nos dirigeants

D’une enveloppe d’humilité

Booster en l’homme

Une capacité de partage et de compassion

Malgré toutes ces injustices

Que notre corps et notre conscience 

Ont subies

Je ne plaide pas pour une vengeance

Mais pour une revanche 

 Au grand bénéfice

De notre humanité !

 

 

ASNODJI NADJI Brière

22 ans, Université de Maroua (Cameroun)

 

 


 

Élégie pour la paix

 

Je suis venue à vous par le ruissellement de mon sang

Par la voix d'un blessé sur les tranchées

Par l'évanescence d'un cri oublié

Dans le blizzard ballottant

Je suis venue à vous parmi les affligés

Affrétée du bleu que doit la mer au ciel

Fermée aux mensonges des espiègles

Dans leurs mains creuses tels de faux aumôniers

Je suis venue à vous pour me livrer sans barguigner

Le sang des justiciers badigeonné sur mes socquettes

Ayant mis sous le blé quelques notes dans ma musette

Que me pèsent les mots comme véracité à prouver

Je suis venue à vous dans la misère et la mendicité

Des bouches qu'implorer a barbouillé de poussière

D'abeilles égarées et solitaires

Qu'un vent de misère à de faim sustentée

Je suis venue ridée de la calamité de cette saison

Qui bat au glas les champs, l'espérance et les rêves

Dans la pâleur de ce printemps de misère

C'est vrai que la géhenne n'attend pas la fin de la fauchaison

Je suis venue livrer la gabelle des pourritures

Aux criquets des closeries rasées

Je suis venue déposer mon cœur à la margelle du puits des traités oubliés

Regardez-le émietter et abandonner en vaine pâture

Je suis venue lever votre indifférence

Dans la brume que traque le soleil

Avec nos mots pour nos plaies

Arrachés aux collets des coquelicots qui se balancent

Je suis venue les mains vides et les pieds nus

Pour mendier la paix et la justice

Sur les rives des eaux humanistes 

Je suis venue à vous qu'on me dise qui es-tu

Je suis le NOSO

Qui ne compte plus les corps sous sa peau

Je suis une terre épouvantée

Par le sifflement incessant des obusiers

Je suis la goutte de sang de trop

Entends-tu son triste écrasement sur cette terre en sanglots

Je suis la fille violée

Qui dans le silence s'est réfugiée

Je suis une femme éventrée

Regarde mes larmes chaudes et salées

Je suis ces écoliers assassinés

Entendez-vous leurs âmes qui crissent le long de la vallée

Je suis un blessé oublié

Que la mort va certainement retrouver

Je suis un enfant affamé

Entendez-vous le cliquetis de mon squelette dans la cité

Je suis un réfugié

Mon cœur bat sur mes plantes de pieds

Je suis un exilé

Un jour le temps va me rappeler

Je suis dans les décombres à Ngarbuh

Je sais qu'un jour on va me retirer dessous

Je suis un enfant oublié dans les ruines abandonnées

Je sais qu'un jour on va me retrouver

Je suis un affligé 

Épris de paix

Et je marche le long de ces nuits affamées

Espérant cueillir la justice et la paix comme unique lumière.

 

TIMB Sara Augustine Laurence

22 ans, Université de Yaoundé 1 (Cameroun)